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Les clameurs effacées de la désinvolture « offertes à l’oreille et oubliées des yeux » Maître Maurice Garçon (Huysmans inconnu) sur l’épisode du Bal de Château-Rouge :
Le 15 janvier 1891 au soir, Paday, marchand ambulant en jouets d’enfants, demeurant 14 rue des Boulangers, jouait au piquet avec Georges l’ Epicier au Café du Tonneau, situé à l’angle de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève et de la rue des Ecoles. A ses côtés se tenait son amie Augustine Marinier, jeune blanchisseuse de vingt et un ans. Paday, qui était âge de dix-neuf ans, était sérieusement ivre. Près de lui et le regardant jouer, le Rouquin, garçon fumiste, surveillait la partie. Vers une heure du matin, un camarade, Armand, qui paraissait très surexcité, pénétra dans le café et, s’approchant près du Rouquin, lui dit :
— On vient de me faire une saleté au Château-Rouge. Viens me donner un coup de main…
Tout le Café du Tonneau fut en rumeur. Chacun se leva et une dizaine de consommateurs sortirent pour donner le coup de main demandé. Deux femmes faisaient parti du bataillon ainsi formé : l’une d’elles répondait au nom de Rose Mignon. Paday vit sa partie interrompue. Il voulut se joindre à la troupe, mais, comme son ivresse le rendait chancelant, il ne suivit qu’à distance, soutenu par la douce Augustine qui manifestait pour lui une tendre sollicitude. Lorsque Paday arriva au Château-Rouge, on se battait déjà A vrai dire, la raison du tumulte était exceptionnellement grave. Quelques instants auparavant, Armand, s’étant rendu avec un ami au Château-Rouge, le garçon de l’établissement, un sieur Dargent, leur avait demandé de choisir une consommation. Les deux hommes ne voulaient pas boire. Dargent avait fait observer que le Château-Rouge n’était pas une promenade publique et qu’il fallait consommer ou partir. L’outrage était grand. Armand, grand seigneur, avait jeté vingt centimes de pourboire sur le comptoir et était sorti dignement, suivi de son ami. Mais on comprend que les choses ne pouvaient en rester là. Il fallait laver un pareil affront, et l’on était allé chercher du renfort au Café du Tonneau. Lorsque la troupe vengeresse entra pour son expédition offensive, le garçon Dargent se trouvait précisément près de l’entrée. Il fut entouré et bousculé. Il répondit aux coups par des coups, mais son héroïsme fut vaincu. Même il reçut à la joue un coup de canif qui lui causa une légère blessure à la région malaire gauche. Un médecin, le lendemain, déclara qu’elle consistait en une plaie irrégulière « ne paraissant pas avoir été produite avec un instrument affilé ». Il n’en résulta pas d’incapacité de travail. Ayant vengé l’honneur d’ Armand, toute la bande s’enfuit au moment où Paday, soutenu par Augustine, entrait à son tour. Apercevant l’agression dont son garçon était l’objet, le directeur du Château-Rouge, M. Trolliet, prit une canne et accourut. Il parvint au lieu du drame, alors que le Rouquin, Rose Mignon, Georges l’Epicier et leurs amis étaient déjà partis, mais au moment précis où Paday, assisté de la tendre Augustine, faisait son entrée. M. Trolliet n’hésita pas, et donna quelques coups sur la tête de Paday qui, bien qu’il ne se défendît pas, fut maîtrisé et arrêté par deux sergents de ville accourus sur ces entrefaites. La police ramassa sur les lieux du crime deux pièces à conviction, savoir le chapeau de Paday et la palatine de Rose Mignon. Sur l’heure, on chercha à retrouver les agresseurs. Ils s’étaient réfugiés chez M. Berson, marchand de vins, rue Galande,lequel avait fermé sa porte derrière eux et refusa d’ouvrir à la police. On parlementa dix minutes. A la fin, Berson se laissa convaincre, laissa pénétrer les représentants de l’autorité, lesquels durent constater que tout le monde était parti par une porte dérobée. Du moins, Paday, pourtant venu seulement comme un imbécile après la bataille, était de bonne prise. On l’emmena au commissariat, d’où il fut dirigé sur le Parquet du Procureur. On avait mis sous scellés le chapeau et la palatine. Un juge d’instruction fut commis. Comme on le voit il y a bien dans cette affaire un garçon non pas égorgé, mais blessé d’un coup de couteau au cou, et aussi des coups de canne distribués par Trolliet. Aux mobiles, aux faits et aux conséquences près, Huysmans semble exact. Bien qu’il n’allât plus au Château-Rouge, Huysmans ne se désintéressait pas d’une affaire qu’il considérait comme ayant manqué lui coûter la vie, sans doute à raison des rapports qui lui en avaient été faits. Le 7 février 1891, il écrivait encore: « …Nouvelles de la place Maub’. Les purotins continuent à s’égorger, la police est descendue hier jeudi et a simplement ligoté et emmené quarante de nos amis. La terreur règne dans le quartier. » Le registre du commissariat renseigne complètement à ce propos. Il y avait bien eu ce jour-là une tentative de meurtre, mais qui semble n’avoir aucun rapport avec notre affaire. Un certain Wyzocki, dit Julot-de-la-Place-Maub’, avait eu au Château-Rouge une discussion avec sa maîtresse qui voulait le quitter et, la poursuivant chez le Père Lunette, l’avait frappée à coups de tiers point et de tranchet. Il n’y a pas lieu de s arrêter à cette affaire. Par contre, relativement au drame du 15 janvier, on avait opéré non pas quarante, mais deux arrestations. En effet, la police, sur les ordres du juge d’instruction, cherchait. Elle était parvenue à identifier quelques-uns des coupables de l’attentat du Château-Rouge. Armand s’appelait Berlioz, né en 1862, et, déjà, avait son casier judiciaire orné de trois condamnations pour escroqueries. Il vivait en concubinage avec Berthe Lizan, âgée de 19 ans, et avait la réputation de fréquenter les filles de débauche. Le Rouquin était Faure, dit Lipette, qui n’avait point de condamnation, mais était mal considéré. Quant à Rose Mignon, qui s’entêtait à ne pas venir réclamer sa palatine, on avait découvert qu’elle se nommait en réalité Marie Ray, avait 24 ans, se disait blanchisseuse et avait changé de quartier depuis l’affaire. On ne pouvait la retrouver. Berlioz et Faure furent arrêtés le 6 février, ce qui explique la lettre d’Huysmans du 7. Confrontés par le juge avec Dargent et Trolliet, ils furent reconnus formellement. Paday, dégrisé, mais encore incarcéré, clamait toujours son innocence. Malgré ses efforts, le magistrat instructeur ne découvrit rien d’autre. Faute de pouvoir étendre plus loin ses investigations, il clôtura son dossier et renvoya Berlioz et Faure devant le tribunal correctionnel sous l’inculpation de coups et blessures. Paday bénéficia d’une ordonnance de non lieu et, enfin libéré, put rejoindre Augustine qui avait multiplié les démarches auprès du juge pour démontrer que l’ivresse de son amant, le soir du drame, était un sûr garant de son innocence. L’affaire fut Jugée par la 10iè chambre correctionnelle le 13 mars 1891. Malgré leurs véhémentes protestations, Berlioz fut condamné à quinze jours d’emprisonnement, et Faure à un mois. C’est ce dernier qui vraisemblablement avait donné le coup de canif. On ne trouve plus trace du Château-Rouge dans les lettres que Huysmans écrivit postérieurement. Il est vraisemblable qu’il n’y retourna pas. Comment expliquer tant d’inexactitudes? Il semble, par la lettre datée du 15 janvier, que Girard faisait un récit identique à celui d’Huysmans. Faut-il en tirer que l’histoire vient d’Henry Girard, qui aurait monté de toutes pièces une mystification ? Faut-il penser que le drame fut inventé par de Bray désireux, en échange de ses révélations, d’obtenir le prêt d’une pièce de cent sous? Faut-il au contraire croire que Joris-Karl, plein d’imagination, déforma une rixe banale en une noire tragédie, et crut réellement avoir été mêlé à l’affaire et avoir couru un danger? Ce qui semble certain, c’est qu’il paraît ne pas être revenu au Château-Rouge. Peut-être préféra-t-il ne pas conduire quelque ami vérifier sur place les détails d’un drame sorti tout entier de son cerveau.
C’est là que l’on retrouve ce fameux rasoir de de Sheffield qui indique un autre fil.
