farioli
02 juil

Zarathoustramorphe


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 Peut-on dire que Platon en faisant parler Socrate inaugure l’expérience de pensée philosophique ?  Un  (des) humains est (sont) choisis  comme mise en ligne d’un système philosophique plus ou moins ouvert. Le philosophe expérimente les potentialités d’une pensée sans corps : une pensée fictionnelle. Maintenant la complexité dans Platon c’est que nombreux personnages (tous vrais ?) participent à l’élan philosophique : le système ainsi se réfute lui-même. Cependant sur des points particuliers (la Cité, par exemple) le système reste doctrinal.

 

Avec le  Zarathoustra de Friedrich Nietzsche, nous sommes vraiment dans l’expérience de pensée philosophique « épurée » puisqu’un être philosophique est créé de toutes pièces, le super-héros sera porteur d’une doctrine qui  doit changer le monde.  Même si la forme littéraire choisie est  la troisième personne du singulier et le style choisi  presque toujours poétique, il n’y a pas de réfutation possible puisque même avec son clin d’œil malicieux Zarathoustra est dans l’injonction : O volonté ! trêve de toute misère, toi ma nécessité ! Réserve-moi pour une grande victoire !  L’expérience est fictionnelle et virtuelle.

 

 Heureusement qu’avec Paolo d’Iorio, et l’hypertexte, depuis le début du siècle, une nouvelle approche de l’oeuvre de  Nietzsche, recadrera les trahisons testamentaires, mais moins graves les grossières erreurs d’édition et de traduction. L’aspect souvent fortement poétique  de l’oeuvre offre  comme pour tous les textes une infinité d’interprétation plus une,  il va sans dire que la poésie n’obéit ni aux règles de la rhétorique ni à celle plus fluctuantes de la rationalité. Mais,  au-delà des problèmes posés par l’interprétation des œuvres écrites (qui ne  sont pas l’objet de ces leçons), on peut prendre Zarathoustra comme emblématique de ce que j’appellerai (avec légèreté)«  le Zarathoustramorphe ».  Définissons vaguement le Zarathoustramorphe comme une pensée  plus ou moins désincarnée dont l’indépendance est fixée au cours du texte. On a  en science la même démarche (plus radicale) avec le Flatland  d’Edwin Abbott dont on peut trouver ici le texte complet. L’usage du Zarathoustramorphe peut-être complété par un certain nombre de règles qui fixent cet  à cet être fictif des contraintes. Par exemple : interdire au Zarathoustramorphe l’usage de la copule, ou toutes références à l’humanité, ou à la science… Bref, le support de pensée qu’est le Zarathoustramorphe  délie l’auteur de toute responsabilité théorique. La pensée ainsi libérée laisse un champ dialectique ouvert au jeu. Le penseur n’est plus là pour assommer ses vérités mais, comme il a été écris dans le texte précédent, il doit rechercher à résoudre des contradictions, ou tout au moins les classifier en comprendre toutes les subtilités le plus souvent cachées.

 Même si  avec Hegel on sait mieux comment fonctionne le moteur de la contradiction comme dépassement. La contradiction horizon.

Le penseur a une attitude “hétéronymique” qui le libère de l’obligation morale  et posturale de justifier le système qu’il a choisi comme le plus adapté pour l’image du monde qu’il projette sur le monde. Rien n’empêche le chercheur d’indiquer quelle sont ses préférences conceptuelles, même si ces préférences sont fluctuantes. L’humanité  a-elle besoin de supports  théorique pour fixer  son  développement. Oui. As-t-on vraiment besoin d’une seule équation pour terminer de penser l’impossible ?  d’une conceptualisation ultime du réel  physique ? Oui. Comme  rituel de passage. Comme apprentissage, pour devenir adulte.

 Le naturant par  ses hautes idées

 Rendit  de soi la nature admirable.

Par les vertus de sa vertu guidée

S’évertua en œuvre émerveillable.( M . Scève)

 A part cela, la plus vieille et longue guerre, c’est les arbres qui la font.

Une des grandes angoisse existentielle et philosophique (la liaison de ces mots n’est pas anodine) fut le désir d’en finir avec la physique et pourquoi pas avec la philosophie qui fut maintes fois déclarée morte ou inutile. La science a vainement cherché à résoudre le questionnement  central de physique  sur les lois de «  l’univers » par un minimum théorique : une équation ou un nombre fixes de paramètres radicaux.

L’idée aussi qu’il puisse exister une philosophie suprême qui engloberait tous les systèmes possibles a sinué chez les meilleurs penseurs : Marx, dont marxistes doctes signèrent la fin de la philosophie, Sartre  qui l’a tant désiré mais peu approché.  Il a existé et il existe  des philosophies fermées, d’autres ouvertes, certaines même entrouvertes. On peut rester assez circonspect lorsqu’on  lit sous la plume d’un philosophe le panégyrique d’un système de pensée pris comme référentiel ultime, sorte de « ligne médiane  de l’éthique » (qui ?) (devinette). Il me semble que la philosophie malgré son histoire complexe n’a même pas encore commencé ses inductions, elle est aussi relativement jeune que l’humanité est jeune. L’histoire a montré que  les choix philosophiques qui dérivent vers une idéologie (dominante ?) implique une forte tendance à provoquer du chaos. La recherche du modèle, dans les sciences humaines, peut être porteuse d’outils conceptuels nouveaux, mais encore présumer un mode fermé pouvant mettre en danger la communauté humaine.

Comprendre.

 Dans son article “Le réel en-soi, l’inconnaissable, et l’ineffable” (http://pagesperso-orange.fr/michel.bitbol/Reelensoi.html) M. Bitbol  explique :

« La compréhension suppose au minimum qu’on puisse rassembler de larges collections d’événements singuliers ou d’individus particuliers sous des principes unificateurs ou sous des concepts fédérateurs; elle suppose inversement qu’on acquière une capacité de reconstituer la structure des événements et des rapports entre individus à partir de principes et de concepts généraux. »

 Mais la compréhension suppose aussi un désir de transgresser en soi ce qui semble figé et totalement structurant. Je dis toujours que lorsqu’on écoute quelqu’un parler ou qu’on lit ses écris, on peut  reconstituer son château fictif :

La muraille qui entoure ce château, le fossé, le pont-levis (passage obligé pour communiquer) le plus important les quatre tours (jamais plus et plutôt moins) et l’imparable donjon ou le moi se protège en restant,   transi de froid, au coin d’une grande cheminée.  Personne ne semble échapper à ce schéma primordial.  N’ai-je point mes tours dans ces leçons : des Horizons, de l’hypothèse partout, un indigeste « univers absolu », et l’idée du moins que  “un”. Ce schéma de défense nous rappelle qu’en tant qu’homo sapiens  + autant de sapiens que l’on veut, la prédation  est dominante dans notre génétique. En conséquence, la peur de l’autre la peur de l’étranger, la peur d’autres idées, d’autres musiques, d’autres conceptions du monde, cette peur primordiale construit et reconstruit toujours ce château primordial ;   c’est probablement   celui de Kafka. E pura si muove ! nous indique que l’éveil, certes rude, est la seule manière pour vraiment comprendre plus et mieux. Dit autrement par  Paul Valéry (que j’aime tant citer)   dans Variété :

Celui même qui veut écrire son rêve se doit d’être infiniment éveillé.

Il n’est rien d’autre question dans ces leçons  que de provoquer MON éveil et pourquoi pas celui de l’éventuel lecteur. (à suivre)