farioli
30 juin

Dogon

copier collé du site Qyam Asie .

 Les cosmogonies nous intéressent pour les leçons de mots et de choses, et puis le dieu des fourmis nous en parlons assez souvent :

Cosmogonie Dogon

La cosmogonie Dogon est extrêmement riche, bizarre et compliqué. On s’est plongé dans le bouquin de Marcel Griaule Dieu d’Eau. En voici, d’après ce qu’on a compris les grandes lignes.

Les dogons sont animistes. Néanmoins, comme souvent il y a un seul Dieu à l’origine : Amma. Celui-ci se désintéresse du monde qu’il a créé.

Création du monde.
  

 

Avec de la glaise, le dieu unique fabrique un corps de femme, allongé face au ciel.
Une fourmilière est son sexe, une termitière son clitoris.

“Une fourmilère est son sexe, une termitière son clitoris”
 
La maladresse originelle de Dieu.
  

 

Le Dieu veut s’unir à elle. Mais la termitière se dresse et empêche cette union.
Dieu abat la termitière et peut ainsi s’unir à la terre excisée.
De cette union contrariée, naît le chacal.

 

Naissance des jumeaux.
  

 

Plus tard, l’union de dieu et de la terre donne naissance à deux êtres, de corps vert et lisse, glissant comme une surface d’eau, sans articulation. Ce couple de jumeau est eau, il est parfait, force de Dieu. C’est le Nommo.

 

 
“Par ces fibres pleines d’eau et de paroles, le Nommo était donc continuellement présent devant le sexe de sa mère.”
La première parole.
  

 

Les jumeaux voyant la nudité de leur mère, décident de lui fabriquer un vêtement. Ils tressent. Et dans les tresses, les jumeaux insufflent la parole par leur souffle divin. La parole, à la fois verbe et humidité, est léguée aux hommes par le biais d’une technique. Elle est frustre et sa syntaxe élémentaire.

 

Le viol.
  


Le chacal veut s’emparer de la parole. Il tente d’arracher son vêtement à sa mère. Celle-ci résiste devant ce geste adultère.

 

“Elle s’enfonça dans son propre sein, dans sa fourmilière sous l’apparence d’une fourmi. Mais le chacal la suivait; il n’y avait d’ailleurs pas d’autres femmes à désirer dans le monde. Le trou qu’elle forait n’était jamais assez profond. Finalement, elle dû s’avouer vaincue.”

Le chacal obtient la première parole et pourra dans l’avenir communiquer aux devins les desseins divins. (Cf. tableau du renard)

Les menstruations des femmes rappellent cet événement.

Dieu se détourne de son épouse qu’il juge souillée et crée les hommes : les 8 ancêtres.

 

“Elle s’enfonça dans son propre sein, dans sa fourmilière sous l’apparence d’une fourmi.”

“Le tissage étant une parole, fixant la parole dans le tissu par le va-et-vient de la navette sur la chaîne, la culture par le va-et-vient du paysan sur les parcelles, fait pénétrer le verbe des Ancêtres, c’est-à-dire l’humidité dans la fibre et dans la terre travaillée, fait reculer l’impureté et étend la civilisation autour des lieux habités”

La deuxième parole

Le Nommo pénètre dans la fourmillière, sexe de sa mère : sa présence humide, lumineuse et parlante la purifie du sacrilège du chacal.

Puis chacun à leur tour les ancêtres entrent dans la fourmilière par une anfractuosité du sol. Ils sont régénérés et peuvent monter au ciel. Mais pour le septième les choses se déroulent différemment :

“Il occupa lentement tout le volume de l’organisme : ses lèvres se confondirent avec les bords de la fourmillière qui devint bouche et s’épanouit. Des dents appointées surgirent. (…) Le septième ancêtre expectora 80 fils de coton”.

Il se sert ensuite de sa mâchoire comme une machine à tisser. A travers cette technique et dans la bande du tissu sont transmises les paroles de l’ancêtre : C’est la deuxième parole léguée aux hommes. Elle est plus évoluée et marque un changement dans l’habitat et le mode de vie de l’homme.

L’arrivée sur terre.

Au ciel, les ancêtres se disputent (rupture de parole) et doivent descendre sur terre.

Un des ancêtres vole un morceau de soleil sous forme de braise et de fer incandescent. C’est le forgeron. Il descend sur terre sur un arc-en-ciel avec un grenier et les représentants des animaux.

Le forgeron est un génie d’eau : il est pourvu de 4 membres souples comme des serpents. Mais au moment de l’impact, sa masse et son enclume lui échappent des mains et lui brisent bras et jambes. C’est l’apparition des articulations. “En vue du travail, son bras s’est plié.”

Le forgeron est descendu sur terre avec de l’argile céleste qui purifie un espace du sol. Le défrichement, l’agriculture, le travail de la terre permet de purifier la terre. Après le dérangement originel du chacal il faut sans cesse réorganiser le monde.

 

“Le pagne est serré, dit-il, pour qu’on ne voie pas le sexe de la femme. Mais il donne à tous l’envie de voir ce qui est dessous. C’est à cause de la parole que le Nommô a mise dans le tissu. Cette parole est le secret de chaque femme et c’est cela qui attire l’homme. Il faut qu’une femme ait des parties secrètes pour qu’on la désire.”
  

 

“Etre nu,
c’est être sans parole.”

“Pourquoi ment-on aux hommes ? Pour mieux leur faire comprendre les choses…”

La troisième parole.

Le septième ancêtre se transforme en serpent et vole les graines de mil. Le forgeron le tue, coupe sa tête qu’il enterre sous l’enclume.

Dans le même temps, un vieil homme de la huitième famille meurt.

Alors que le forgeron tape sur l’enclume en cadence le septième ancêtre nage jusqu’au corps du vieillard, l’avale, le déglutit, le regénère et vomit dans un torrent d’eau le produit de la métamorphose.

Il rejette des pierres qui expliquent aux hommes l’organisation sociale basée sur le modèle du corps humain.

De cette association apparaît un neuvième “Leurs âmes sont jointes tout en restant distinctes, elles ne se séparent jamais.” C’est ce neuvième qui va donner la 3è parole avec le tambour. Cette parole marque le début d’une véritable organisation de la société fondée sur le travail et la communauté.

L’histoire est en fait beaucoup plus compliqué : On fait croire aux hommes que le septième est mort, que le vieil homme est mort.

- Mais pourquoi ment-on aux hommes?
- Pour mieux leur faire comprendre les choses.

 

:: synthèse
Voici une tentative hasardeuse de synthèse de cette cosmogonie déroutante. On peut voir pas mal d’analogies avec d’autres récits myhtologiques judéo-chrétiens ou grecs.   

A l’origine, il y a un péché originel (l’inceste) né de la convoitise pour la connaissance (le chacal veut s’emparer de la première parole).

Tout le récit de la création du monde revient à laver ce péché originel qui a déchu l’Humanité. Celle-ci devra apprendre de nouvelles formes de connaissance (les 2è et 3è paroles, plus sophistiquées et plus pratiques quoique toujours plus éloignées de la pure parole originelle).

Comme à travers un parcours initiatique, ces étapes successives seront atteintes à l’issue d’épreuves, de résolutions de conflits (ex. la fuite des Nommô du ciel), passant par une regénérescence (dans le sein de la Terre-Mère ou du corps du serpent).

Ces péripéties débouchent sur une nouvelle organisation du monde, qui imprègne tous les éléments de la société jusqu’à aujourd’hui (le corps du Lebé est le modèle du corps humain, de la maison, du village, du cosmos).